"La base, enfin..."
Depuis la minuscule couchette du pont inférieur d'un des recycleurs de l'armada royale, le jeune homme laissait ses pensées vagabonder, les yeux tournés vers le minuscule hublot du dortoir.
La nuit avait été éprouvante. Le travail du recyclagel'avait toujours rebuté.
Le jeune homme frotta doucement ses mains endolories. Elles étaient striées par de minuscules coupures, souvenirs des blocs hérissés de cristal glacé. Au contact d'une blessure plus profonde, le jeune homme grimaça, puis laissa retomber ses mains, las et découragé.
Cela faisait 10 mois...10 longs mois déjà qu'il s'était engagé dans l'armée du seigneur Guts ! Il avait tellement d'espoirs, à l'époque pas si lointaine où il aidait son père dans la récolte quotidienne du deutérium.
La vie sur la plateforme de collecte lui paraissait si ennuyeuse ! S’il avait su qu'il passerait ses nuits à trier les minerais gelés tirés de leur sommeil orbital par la bruyante collecteuse mécanique, il n'aurait pas encouru la colère paternelle, ni surtout les larmes de celle pour qui il désirait tant se battre. Pour enfin lui prouver, à elle et à son père, qu'il était un homme, un guerrier, un héros...
Les pensées du jeune homme se firent plus douces. La base était en vue à présent, et sur la froide lune, l'attendait, chaude et accueillante, celle qu'il aimait tant.
Soudain, un éclair métallique lui fit froncer les sourcils. Se redressant sur un coude, essayant d'affuter son regard au maximum, le jeune homme tenta de distinguer ce qui avait bien pu accrocher ainsi son attention. Là, derrière une concrétion rocheuse, souvenir oublié d'un combat passé, se cachait une masse sombre, à peine découpée sur l'infini du néant galactique.
Au même moment, une sonnerie, stridente, déchira le calme délicat du dortoir endormi. Les quelques secondes qui suivirent furent d'une indescriptible confusion. Le jeune homme ne retint que deux informations : la base lunaire allait être attaquée, et il allait combattre.
Il allait se battre. Enfin.
Un chaos affolé régnait dans les couloirs étroits qui menaient aux salles d’embarquement. Les pilotes, visages graves et décidés, croisait des techniciens paniqués. En quelques secondes, le recycleur s’était transformé en une ruche furieuse et affairée. Porté par le flot nerveux, le jeune homme se laissa dériver jusqu’à l’emplacement de son vaisseau, dans lequel il grimpa avec une impression d’irréalité.
Autour de lui, les chasseurs légers décollaient. Les cales d'amarrage du recycleur se vidaient à une allure folle.
La sirène hurlait encore dans les couloirs désormais vides de l'imposant vaisseau. Personne n’avait pensé à l’arrêter.
Sous ses doigts, le rapide petit vaisseau répondait parfaitement aux commandes, agile et frémissant, semblant partager l’impatience de son pilote. Une immense fierté gonfla le cœur du jeune homme : l’armée du seigneur Guts était vraiment impressionnante. Autour de lui, s’alignait en parfaite position de combat une nuée compacte de chasseurs. Plus loin, massifs et redoutables, les destructeurs déclenchaient leur bouclier, formant autour de leur coque noire une myriade d’étincelles rassurantes. Le jeune homme tourna son regard vers le lointain, vers la menace, un léger sourire aux lèvres. Il était jeune, il allait prouver à sa famille et à sa promise qu’il était un défenseur de l’Empire, rien ne pouvait l’atteindre, c’était certain.
Un point lumineux scintilla, suspendu sur le fond froid de l’univers. Unique. Puis ce fut deux, trois, dix, milles ! En quelques secondes, le lointain s’illumina, découpant clairement un avenir des plus sombres.
Les vaisseaux ennemis remplirent bientôt l’horizon infini… innombrables…implacables.
Puis ce fut l’attaque, foudroyante, mortelle.
Avant qu’il n’ait eu le temps de sortir de la torpeur stupéfaite dans laquelle la découverte de l’armée ennemie l’avait plongée, les éclairs brulants des plasmas avaient déjà décimés une grande partie des chasseurs qui l’entourait. La réconfortante protection de la masse lui apparut soudain dérisoire.
Son cœur se figea en un dernier battement glacé, lorsqu’une rafale rouge illumina sa vision, séchant ses yeux en un dernier et eternel regard ébahi et terrorisé…
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Mer 19 Sep 2007 - 21:25
